“Qui a perdu sa vie à cause de moi la trouvera. “
Nous venons de traverser une période éprouvante, et qui n’est pas terminée. Depuis plusieurs mois les éditions spéciales des journaux télévisés commentent les statistiques des décès et des malades touchées par le virus, alors que nous étions confinés, seuls ou avec nos proches.
Certains ont vécu cette épreuve de manière particulièrement difficiles : je pense à ceux qui ont perdu un parent à l’hôpital ou en EPHAD, le personnel qui était en première ligne pour se battre contre le virus ou assurer les services nécessaires pour que la vie continue et que nous avons applaudi tous les soirs, les personnes seules ou “à risques“, … Nous avons aussi tous ressentis la peur quand il fallait sortir faire des courses, prendre les transports en commun, aller chez le médecin…
En parlant de tout cela avec les différents groupes qui se sont réunis ces derniers jours, beaucoup ont souligné combien cette période avait été propice à s’interroger sur le sens de la course folle de notre vie, sur les choses essentielles auxquelles nous tenions, sur notre rapport à la consommation et l’incidence pour notre planète, sur la fragilité de notre existence et la question de la mort ?
Les lectures de ce jour nous interrogent, elles-aussi : quelle est la réelle fécondité de notre vie ?
Fécondité charnelle pour la femme du pays de Sunam ; comme Sara, la femme d’Abraham, en récompense de l’accueil plein de délicatesse qu’elle prodigue au prophète Elisée, elle va attendre un enfant dans sa vieillesse.
Une fécondité qui n’est que le signe d’une fécondité spirituelle plus profonde que Jésus nous promet. Et c’est le paradoxe affirmé au début de l’évangile : “Qui a perdu sa vie à cause de moi, la trouvera… “, et à la fin : “ Celui qui donnera à boire, même un simple verre d’eau fraiche à l’un de ces petits, en sa qualité de disciple, en vérité, je vous le dis : non il ne perdra pas sa récompense. “
L’évangile, comme tous les choix que fera Jésus pendant sa vie terrestre, nous révèlent que la fécondité est d’abord le fruit de l’ouverture à l’autre. Elle ne se mesure pas à la quantité de choses faites, à leur nombre ou à leur importance, elle se mesure à la transformation de notre cœur en un cœur aimant à la manière de Dieu.
Mais cette ouverture du cœur ne va pas sans perdre, sans abandonner quelque chose ; prendre sur soi (c.a.d. prendre de soi-même) pour donner un peu de temps, un peu de confiance, un service, un verre d’eau fraiche, un geste qui nous comble d’une joie intérieure bien au-delà de l’effort accompli.
Alors que plus de 120 hommes sont ordonnés prêtres en cette fin d’année pour tous nos diocèses de France, alors que nous nous souvenons – le P. Bois qui a été ordonné il y a 50 ans, et moi-même il y a 40 ans – de ce choix renouvelé chaque jour de donner notre vie à la suite du Christ vivant, nous pouvons témoigner tous les deux que la fécondité de nos ministères est sans commune mesure avec ce que nous avons perdu.
Père Luc de Saint-Basile
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