Le maître fit l’éloge de ce gérant malhonnête… !
Voici sans doute l’une des paraboles de Jésus la plus provocante : celle de ce maître qui va faire l’éloge de son gérant malhonnête qui a trafiqué ses comptes “car il avait agi avec habileté“.
Dans ses paraboles, Jésus part toujours d’une réalité qu’il a observée. Or, en Galilée, à cette époque, les intendants étaient nombreux. Ils géraient de grands domaines au profit des propriétaires qui habitaient dans les grandes villes. Et il arrivait que l’un d’entre eux se fasse prendre la main dans le sac, ou dans le livre de comptes, lors d’un contrôle.
Jésus décrit l’un de ces filous qui réagit très rapidement, une fois renvoyé. Après avoir écarté plusieurs reconversions dont il se sent incapable (travailler la terre, mendier), il sait comment se faire des amis avant qu’il ne soit trop tard : chaque débiteur de son maître est invité à falsifier sa dette sous le regard du gérant pour la diminuer d’une centaine de journée de travail ; c’est beaucoup !
Ainsi les débiteurs et l’intendant sont liés par un même secret : les premiers sont trop heureux d’une telle aubaine en échange de leur silence ; le second est assuré de trouver “des gens pour l’accueillir, une fois renvoyé de sa gérance. “
Jésus ferait-il l’éloge d’un magouilleur débrouillard qui trafique les comptes ? Ce serait surprenant.
De fait Jésus ne loue pas son attitude : il dit bien que ce gérant est malhonnête. Mais il souligne un aspect positif de son comportement : il est habile et manifeste une rapidité exemplaire, en face d’une situation critique, pour assurer malgré tout son avenir. Et en direction de ses disciples, Jésus conclut : Et vous, les fils de lumière, êtes-vous aussi habiles pour le Royaume de Dieu ? Savez-vous faire preuve de la même rapidité de décision et de la même habileté, car le temps presse, il n’y a pas un instant à perdre.
A sa manière, cette parabole est aussi une formidable désacralisation de l’argent. L’argent n’est pas bon ou mauvais en soi, ce n’est qu’un outil, sans plus : on peut s’en faire des amis comme s’en faire un maître en le pervertissant ; on peut s’en servir ou le servir. Autrement dit, si l’on en fait une fin en oubliant qu’il n’est qu’un moyen d’échange, un outil de relation, il devient alors une idole, ce que Jésus désignera sous le nom de “Mammon“.
“Vous ne pouvez pas servir Dieu et l’Argent“, conclura Jésus. Entre le service de Dieu et celui de l’Argent il n’y a pas de compromissions possibles.
A nous qui sommes souvent très créatifs pour trouver des astuces pour gagner un peu plus d’argent, saurons-nous avoir la même inventivité et la même énergie au service de ce Royaume d’amour et de paix auquel Dieu nous invite et qu’il nous confie ?
Père Luc de Saint-Basile
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