« Ainsi les derniers seront premiers, et les premiers seront derniers. »
Bien qu’entendues maintes fois, certaines pages de l’évangile arrivent encore à nous surprendre.
Ainsi en est-il de la parabole des ouvriers de la cinquième heure que nous entendons ce dimanche : n’y-a-t-il pas lieu d’être choqué par cette injustice flagrante qui consiste à payer de la même manière ceux qui ont peiné toute la journée et ceux qui n’ont travaillé qu’une heure ? Travailler plus sans gagner plus ! N’importe quel chef d’entreprise qui agirait de la sorte déclencherait automatiquement une grève, et serait dénoncé à l’inspection du travail.
Le prophète Isaïe avait déjà compris que le Dieu de l’Alliance n’agit pas forcément selon la logique humaine : « Mes pensées ne sont pas vos pensées, et mes chemins ne sont pas vos chemins, déclare le Seigneur » (1ère lecture).
Ce qui importe pour le Maître c’est de sortir, encore et encore, pour inviter inlassablement des ouvriers à travailler à sa vigne ; il ne prendra jamais son parti qu’un seul soit laissé pour compte. Et il ne fait pas de différence entre ceux qui sont appelés dès leur naissance et ceux qui ne le rencontreront qu’au terme de leur existence. Comme dans la parabole de l’enfant prodigue, le Père ne peut traiter différemment le fils retrouvé de celui qui a toujours travaillé à ses côtés. Et le bon larron sera invité comme les premiers apôtres à partager la vie du Christ dans le Royaume.
« C’est pas juste » disent les enfants quand ils se sentent lésés par rapport à leur frère ou sœur. « Allez, vous aussi, à ma vigne. Je vous donnerai ce qui est juste » dit le Maître qui remettra à chacun la même pièce d’argent promise
« Dieu ne sait pas compter », écrivait le P. Jean Noël Besançon.
Laissons-nous transformer par la Parole de Dieu. Alors nous découvrirons un Dieu Père qui ne calcule pas parce que lui-même a tout donné, jusqu’à son Fils bien aimé. L’amour véritable fait sortir de la logique du donnant-donnant, de ce regard calculateur qui nous fait sans cesse nous comparer aux autres, pour entrer dans ce monde, de plus en plus incompréhensible pour nos contemporains, de la grâce et de la gratuité par amour.
P. Luc de Saint Basile
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