Seigneur, quand est-ce que nous t’avons vu…?
En cette fête du Christ roi de l’univers, l’évangéliste Matthieu, qui a guidé notre marche tout au long de cette année, nous dresse une inquiétante parabole du jugement dernier ; une grande fresque qui a souvent été illustrée dans ces merveilleux tympans qui ornent nos cathédrales ou basiliques, comme celle de Conques, de Vézelay ou de Notre Dame de Paris.
Au centre, sur un trône, le roi berger séparant “les hommes les uns des autres, comme le berger sépare les brebis des boucs : il placera les brebis à sa droite, et les boucs à gauche. “
Nos contemporains sont souvent mal à l’aise avec cette notion de “jugement“ Michel Polnareff ne chantait-il pas dans les années 1970 “nous irons tous au paradis“. Par jugement, on comprend souvent une condamnation qui tombe d’en-haut de manière péremptoire et unilatérale : le verdict du juge. Et l’on a tendance à comprendre le jugement de Dieu comme cette sentence qu’il prononcera sur la qualité de ce que nous avons vécu.
Mais cette conception suppose une fausse idée de Dieu, que dément la dynamique de la révélation : “Car Dieu a envoyé son Fils dans le monde, non pas pour juger le monde mais pour que, par Lui, le monde soit sauvé. “ (Jn 3,17)
Le mot jugement en grec se dit krisis, qui se traduit aussi par “discernement“, “dévoilement“. Un procès est en fait ce processus qui prend du temps pour faire advenir une vérité la plus objective possible. Le jugement ne vient que sanctionner cette vérité qu’on a fait advenir.
Le Jugement dernier est donc le lieu où se dévoilera la vérité de ce que nous sommes face à cette altérité de Dieu qui nous aime comme un Père.
La parabole du jugement dernier nous invite à porter notre regard, moins sur le Christ lui-même, que sur le type de Royaume dans lequel il nous invite à entrer. Elle ne répond pas à la question initiale des disciples “quand cela va-t-il arriver ? “ mais nous indique “comment s’y préparer“.
Elle nous invite tout d’abord à ne pas nous laisser enfermer dans les apparences trompeuses : si nos regards sont plus spontanément attirés par les dorures et le faste de toute cour royale, le Royaume de Dieu ne pourra s’ouvrir pour nous que si nous savons, comme Jésus, nous laisser toucher, et que nous posons des actes personnels face à cette souffrance et cette pauvreté qui touche une partie de notre humanité. Jésus, dans sa passion, a voulu s’identifier à tous ceux qui souffrent, ont soif et faim, sont emprisonnés. “Chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces petits qui sont mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait. “
Ainsi, dans le visage de l’homme qui souffre, même le plus défiguré, il y a véritablement la rencontre avec la présence réelle de notre Seigneur, nous devons l’accueillir avec le même respect.
Une deuxième leçon que nous pouvons tirer de cette parabole c’est que le jugement dernier n’est pas à attendre dans un futur hypothétique mais qu’il se joue chaque jour, dans chacune de nos rencontres, même les plus anodines. Le jugement et le sort final de chacun se décide, en réalité, dès maintenant.
Nous allons bientôt nous remettre en route vers Noël. Dimanche prochain nous célébrerons le premier dimanche de l’Avent. Que cette venue de notre Dieu jusqu’à nous, sous la forme d’un tout petit enfant dans la crèche, nous redonne le goût et la joie de ces petits gestes d’humanité au quotidien.
Père Luc de Saint-Basile
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