Sages ou insouciantes ?
Les trois derniers dimanches de notre année liturgique orientent notre regard vers le retour du Seigneur dans sa gloire. Une fin des temps souvent décrite comme la venue de l’époux qui désire nous associer à la joie de ses noces.
Dans la parabole racontée aujourd’hui par Jésus, ce sont à ces noces que dix jeunes filles, avec leurs lampes, sont invitées “pour sortir à la rencontre de l’époux“. Cinq sont sages et prévoyantes car elles ont emporté de l’huile en réserve, et cinq sont insouciantes.
Soudain, elles sont réveillées brutalement au milieu de la nuit par un cri : « Voici l’époux ! Sortez à sa rencontre. »
Cette parabole est cruelle pour les jeunes filles insouciantes qui ne pourront même pas profiter de la provision d’huile des autres, et finiront par se retrouver dehors, derrière la porte fermée.
« Veillez-donc, car vous ne savez ni le jour ni l’heure. »
Comment alors comprendre cet avertissement inquiétant et peu habituel dans la bouche de Jésus ? Et que faut-il faire pour acquérir cette sagesse, glorifiée dans la première lecture, qui nous permettra de faire des provisions d’huile en vue du jour imprévisible du retour du Seigneur ?
En nous souvenant de la vie que nous menions avant le confinement nous réalisons aujourd’hui, sans doute avec nostalgie, de l’insouciance qui la caractérisait depuis les grands conflits du siècle dernier. Chacun était libre de tout faire, et les plus fortunés ne s’en privaient pas : prendre l’avion pour aller trois jours aux Maldive, manger des fraises en janvier, visiter toutes les capitales d’Europe et fêter le mariage de son cousin d’Amérique en Australie, commander sur internet des produits bons marchés fabriqués dans des pays d’Asie, se projeter dans un transhumanisme sans finitude…
C’était le temps de la liberté totale, faire ce que je veux quand je veux, sans contrainte, y compris celle de mourir quand je l’ai décidé. C’était le temps de la légèreté, où tout est possible sans limite grâce à la puissance technique qui semblait pouvoir supprimer toutes les barrières.
Aujourd’hui nous mesurons douloureusement que, si rien n’est interdit, tout n’est pas possible (cf. Gn 2, 16-17 “Tu peux manger les fruits de tous les arbres du jardin ; mais l’arbre de la connaissance du bien et du mal, tu n’en mangeras pas ; car, le jour où tu en mangeras, tu mourras.“) La crise climatique nous dit la même chose, mais autrement. En perdant une partie de notre insouciance et de notre liberté, nous avons peut-être grandi en sagesse ?
L’insouciance c’est de croire que l’on peut se contenter de sa propre lumière, à horizon humaine, en oubliant Celui qui ouvre ou ferme sa maison, l’époux qui accueille celui ou celle qui veille dans l’attente de cette rencontre. Car c’est lui seul qui peut nous arracher à la nuit pour nous inviter à la fête de l’Alliance nouvelle.
Père Luc de Saint-Basile
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