Heureux !
Comme chaque année, la fête de la Toussaint est accompagnée des sentiments nostalgiques de l’automne : les feuilles qui tombent, le vent qui s’engouffre dans le manteau qu’on vient juste de ressortir, les jours qui raccourcissent, le gris du ciel traversé par des averses.
Mais, en cette année si particulière, l’actualité vient encore plus assombrir ce climat déjà morose : un nouveau confinement, les statistiques du Covid qui s’affolent, les soignants fatigués, l’économie déprimée et le chômage qui menace… et ces lâches et barbares meurtres dans la basilique de Nice !
La liturgie de ce temps, en nous faisant remémorer tous nos défunts, n’a pas pour intention d’ajouter du tragique à ces pensées déjà sombres. Se souvenir de tous ceux qui nous ont quittés, évoquer la mort, c’est aussi s’interroger sur nos raisons de vivre, sur le sens de notre vie, à nous, aujourd’hui ?
Et, au milieu de tous ces souvenirs, celui de ces hommes et de ces femmes qui ont réussi leur vie puisqu’on les appelle “heureux“, ou “bienheureux“ : les saints.
Qu’ont-ils de plus que les autres ? Peuvent-ils, en ces temps difficiles, nous révéler leur secret du bonheur ?
L’évangile des Béatitudes, que nous entendons en cette fête de la Toussaint, parle de ces gens “heureux“ en mettant curieusement en avant “ceux qui pleurent“, ceux qui sont “artisans de paix“, ceux qui “œuvrent pour la justice“, “les persécutés“, etc.…
Trop souvent nous résumons le bonheur à une satisfaction sensible, une réussite affective ou professionnelle, un moment de fête partagé. Mais cela reste souvent éphémère.
Le bonheur proposé dans les Béatitudes est d’un tout autre ordre. Il émane d’un accord profond avec soi-même, une harmonie qui vient du fait qu’on se sent “ajusté“ à ses convictions les plus fortes, en cohérence avec ce qu’on désire le plus profondément. Et pour le chrétien ce bonheur est en cohérence avec ce à quoi on se sent appelé par Dieu qui veut notre bonheur.
Bien sûr, on est loin ici d’un plaisir sensible ; il s’agit d’une unité de tout notre être qui laisse transparaître un équilibre intérieur heureux.
Quand on regarde chacune des Béatitudes, on s’aperçoit qu’elles expriment toutes une attitude en cohérence avec les choix que Jésus, le Saint par excellence, a fait tout au long de sa vie ici-bas. En ce sens on peut dire que Jésus était parfaitement heureux, car parfaitement en accord avec sa mission, en accord avec son Père des cieux. Et sa dernière parole “Tout est accompli“ exprime le sentiment d’un accord profond de sa vie, une véritable paix intérieure, même au cœur de la souffrance.
Célébrons donc la Toussaint comme un rayon de soleil qui traverse ce ciel gris de novembre en osant être heureux à la manière du Christ. Demandons-lui de nous apprendre sa joie.
Père Luc de Saint-Basile
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