“Pourquoi restez-vous là à regarder vers le ciel ?
St Matthieu achève son évangile en Galilée, là où tout a commencé, avec le récit du départ de Jésus : c’est le mystère de l’Ascension.
Une disparition qui ouvre au temps de l’absence, mais qui est aussi assorti de la promesse d’un autre type de présence : “Et moi, je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde. “
Ainsi, dans le mystère de l’Ascension, nous sommes invités à entrer dans ce paradoxe : Jésus, le Seigneur, est à la fois présent et absent. N’est-ce pas d’ailleurs la parole même de Jésus rapportée dans l’évangile de St Jean la veille de son arrestation ? “Que votre cœur cesse de se troubler et de craindre. Vous l’avez entendu, je vous ai dit : je m’en vais et viens à vous “ (Jn 14, 27-28).
Dans notre foi, il faut donc accepter que cette absence qui constitue notre relation au Christ vivant échappe à toute manifestation sensible. Nous ne pouvons plus ni le voir, ni le toucher, ni l’entendre.
Mais notre relation peut pourtant continuer à être vraie à travers les médiations de sa présence réelle en nous et dans le monde : sa Parole méditée, la prière et les sacrements qu’il nous a laissés, le service du frère.
Ainsi, comme croyants, nous reconnaissons qu’il y a deux types de présence, toutes deux bien réelles. La première présence est simple, c’est la présence de toute personne en chair et en os comme on dit, c’est la présence de Jésus dans sa condition mortelle telle que ses parents, les gens du village de Nazareth, les apôtres et disciples ont pu le connaître. Comme le dit saint Jean dans sa première lettre : “Ce que nous avons entendu, ce que nous avons vu de nos yeux, ce que nous avons contemplé et que nos mains ont touché du Verbe de vie“ (1 Jn 1,1).
L’autre présence est tout aussi réelle, mais elle ne se laisse “voir“ qu’aux yeux de la foi. Ce n’est plus une présence sensible que nous pouvons reconnaître avec nos yeux, nos oreilles, nos mains, mais une présence invisible, spirituelle, comme une présence d’amour qui réconforte, guide et soutient.
Pendant cette période difficile du confinement qui s’est déroulé providentiellement pendant le temps pascal, alors que nous avons tous été privés de signes sacramentels autrement que par écrans interposés pour reconnaître le Christ vivant à nos côtés, sommes-nous restés les yeux tournés vers le ciel (ou les écrans) à attendre que cela nous soit à nouveau redonné, ou avons-nous expérimenté la force de cette deuxième présence qui ne se révèle qu’avec les yeux de la foi ?
Avons-nous vraiment vécu ce temps (particulièrement éprouvant pour certains), à la manière des apôtres, comme une absence qui ouvre à la découverte d’une nouvelle présence, ou nous sommes-nous contenté d’attendre impatiemment que tout revienne comme avant ?
Ce temps de l’Ascension est donc un temps privilégié, avant que la promesse de l’Esprit saint nous soit confirmée le jour de la Pentecôte, pour faire un petit bilan de ces 40 jours du temps pascal, à la lumière de ce confinement dont nous commençons à sortir :
- Qu’est-ce que cette crise m’a appris sur moi (peur, solitude, redécouverte des choses simples, des ressources qui alimentent la vie intérieure) ?
- Qu’est-ce qu’elle m’a appris sur mes proches (un conjoint, des enfants, les amis) ?
- Quelles sont mes raisons d’espérer (changements ou reprise comme avant) ?
- En quoi ma foi m’a aidée à surmonter cette crise et à être attentif aux plus vulnérables ?
A travers ce premier bilan peut-être reprendrons-nous conscience de cette présence invisible du Christ qui a été à nos côté pendant cette période difficile, même et surtout à travers les vulnérabilités que nous avons pu expérimenter.
Car comme le dit Corine Pelluchon : “Seule l’expérience de nos limites, de notre vulnérabilité et de notre interdépendance peut nous conduire à nous sentir concernés par ce qui arrive à autrui, et donc responsables du monde dans lequel nous vivons. “
Père Luc de Saint-Basile
Leave a Comment