Il leur dit : “La paix soit avec vous ! “
Après cette parole, il leur montra ses mains et son côté.
“Le soir venu, en ce premier jour de la semaine, alors que les portes du lieu où se trouvaient les disciples étaient verrouillées par crainte des Juifs, Jésus vint, et il était là au milieu d’eux. “
C’est dans ce lieu confiné que se déroule la reconnaissance de Jésus ressuscité par les disciples. Comme si les grands bouleversements se passaient d’abord dans le secret de la vie intérieure.
Une reconnaissance non évidente pour “l’un des Douze, Thomas, appelé Didyme (c’est-à-dire Jumeau), [qui] n’était pas avec eux quand Jésus était venu. “
Nous sommes tous un peu les jumeaux de Thomas, des hommes et des femmes qui ne se laissent pas convaincre par de belles paroles. Thomas a besoin de faire fonctionner son intelligence ; il veut comprendre et il a raison. Si Dieu a donné à l’homme une intelligence, c’est bien pour tenter de déchiffrer le monde et de répondre aux interrogations qui se posent à lui. Ainsi on parle de l’intelligence de la foi.
Mais, si Dieu ne nous interdit pas de chercher à comprendre, il nous demande aussi de savoir dépasser le questionnement par la confiance, car on ne peut pas tout enfermer dans la rationalité humaine.
“Si je ne vois pas dans ses mains la marque des clous, si je ne mets pas mon doigt dans la marque des clous, si je ne mets pas la main dans son côté, non, je ne croirai pas ! “
Quelle curieuse et morbide exigence de la part de Thomas. Il ne lui suffit pas de “voir“ son Seigneur ressuscité, mais de “toucher“ les plaies de la crucifixion. Il veut reconnaître concrètement que c’est bien le même Jésus qu’il a vu crucifié et celui dont ses amis disent qu’ils l’ont vu vivant. Comme si ces deux réalités étaient incompatibles.
Ainsi, ce qui sera le plus difficile à admettre pour les premiers témoins de la résurrection, c’est de tenir ensemble le fait de la mort abjecte de Jésus et sa résurrection.
“Ne fallait-il pas que le Christ souffrît pour entrer dans sa gloire ? “ demandera Jésus aux deux disciples d’Emmaüs qui doutent de sa résurrection malgré le témoignage des femmes.
Il faudra du temps aux disciples pour réaliser que la mort de leur Seigneur n’était pas un accident de l’histoire, “un sacrifice expiatoire“ comme l’expliquera plus tard le philosophe René Girard, mais bien une étape essentielle dans le projet d’alliance que Dieu veut sceller avec l’homme. Une étape que St Paul résumera dans ce premier “credo“ reçu des apôtres : “Christ est mort pour nos péchés conformément aux Ecritures…“ (1 Cor 15, 3).
Ainsi la mémoire de la crucifixion donne d’autant plus de poids aux premiers mots adressés par Jésus à ses disciples : “ La paix soit avec vous“. Une paix sous forme de réconciliation qui n’est pas l’oubli des lâchetés et trahisons qui ont accompagné son arrestation et sa mort, et qui restent inscrites à jamais dans son corps glorieux, mais qui renouvelle la confiance qu’il a mise en eux et qu’il continue à leur faire, envers et contre tout.
“La pierre qu’ont rejetée les bâtisseurs est devenue la pierre d’angle ; c’est là l’œuvre du Seigneur, la merveille devant nos yeux “ chante le psalmiste aujourd’hui.
Rendons grâce avec lui de cette confiance totalement irrationnelle que Dieu a mise dans l’homme et que nous célébrons en ce “dimanche de la miséricorde“.
Père Luc de Saint-Basile
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