Y aurait-il des prières stériles ?
“Deux hommes montèrent au Temple pour prier. L’un était pharisien, l’autre publicain. “
Jésus poursuit aujourd’hui son enseignement sur la prière.
Nous avons entendu tant de fois cette parabole, ainsi que la dénonciation récurrente par Jésus de l’hypocrisie de certains pharisiens, que nous ne prêtons plus attention au côté scandaleux de la morale de cette petite histoire : “Quand le publicain rentra chez lui, c’est lui, je vous le déclare qui était devenu juste, et non pas l’autre. “
Comment justifier le comportement de ce collecteur d’impôt qui vole pour son compte et collabore avec l’occupant romain, en maniant toute la journée de l’argent impur, alors que le pharisien débute sa prière en rendant grâce à Dieu, jeûne plus que ne l’exige la Loi de Moïse, et reverse le dixième de ses gains aux pauvres.
Fidèle à ce Dieu décrit par Ben Sirac le Sage dans la première lecture qui ne juge pas sur l’apparence, Jésus ne cherche pas ici à comptabiliser les mérites de chacun ; mais cela ne l’empêche pas de fustiger durement une manière hypocrite de prier : “Jésus dit une parabole pour certains hommes qui étaient convaincus d’être justes et qui méprisaient tous les autres“.
De fait, en rendant grâce à Dieu pour ses éminents mérites, le pharisien ne loue pas le Seigneur : il s’adresse à lui-même de vibrants éloges. Au lieu d’être centrée sur Dieu, sa prière est centrée sur lui-même, en lui faisant mépriser “le reste des humains“.
Comme lui, trop souvent, nous avons tendance à diviser le monde en deux : les bons dont nous sommes, bien sûr, et les méchants, les autres ; l’axe du bien et l’axe du mal, alors que le bon et le mauvais traversent notre propre cœur.
A l’inverse, le publicain, écrasé par ses fautes et sachant qu’il ne peut pas s’en sortir seul, s’en remet à Dieu pour sa justification parce qu’il attend tout de Lui. Il est ajusté à Dieu dans la mesure où il essaye d’être vrai devant Lui, dans la confiance.
Sainte Thérèse d’Avila avait une très belle expression pour dénoncer cette attitude, présente même chez ses sœurs carmélites: elle parlait de l’oraison fausse qui consiste à “s’encapuchonner“ pour ignorer autrui.
Et au XXème siècle, Charles Péguy disait dans le même esprit : ce qui fait le chrétien, ce n’est pas l’étiage, le niveau de la vie morale. Ce qui fait le chrétien, “c’est qu’il donne la main. “
Que le publicain de l’évangile nous apprenne à reconnaître en toute humilité que nous avons besoin de la main de Dieu qui nous est toujours tendue.
Père Luc de Saint-BAsile
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