Extraits du livre du P. Jean-Marie Poirier
[Nocturnes de lumière – Méditations pour vivre la Semaine Sainte (Editions Saint Augustin 2004)].
Ouverture… « Il faisait encore sombre »
Ce matin de Pâques, il fait encore sombre dans notre monde… dans notre Église… et sur l’homme…
Ce matin de Pâques, il fait encore sombre en ma vie. Voici à présent de nombreuses années que je célèbre cette fête de Pâques et, si je reste lucide sur moi-même, je découvre toujours plus de résistances à la lumière dans les zones encore trop ombreuses de mon existence. Comme je voudrais m’écrier avec l’apôtre : « Pour moi, vivre c’est le Christ » (Ph 1,21) ; ou bien : « Je vis, mais c’est plus moi, c’est le Christ qui vit en moi » (Ga 2,19) ! Mais quand je fais la lumière en moi, je réalise que je suis bien loin de ce programme de vie.
Nier ces réalités, les oublier ou les balayer avec quelques Alléluia, serait refuser de voir la réalité en face.
À ces inquiétudes et à ces doutes, l’Évangile me répond ce matin qu’il faisait encore sombre quand les femmes se rendirent au tombeau. Et pourtant Jésus est déjà ressuscité !
Les visages des deux disciples se dirigeant vers Emmaüs étaient encore bien sombres, malgré qu’ils aient entendu des femmes annoncer qu’elles l’avaient vu. Pourtant Jésus cheminait avec eux, mais leurs yeux ne savaient pas le reconnaître.
Dans l’évangile de Marc, alors que les femmes viennent de recevoir l’annonce de la résurrection de la bouche d’un jeune homme vêtu de blanc, voilà qu’elles « s’enfuient du tombeau, parce qu’elles étaient toutes tremblantes et hors d’elles-mêmes. Elles ne dirent rien à personne car elles avaient peur » (Mc 16,8).
Alors que nous attendions l’irruption soudaine de la plus vive clarté dans les ténèbres de ce monde, une annonce glorieuse et triomphante, voici que la Résurrection pointe lentement à l’horizon de l’histoire. Plutôt que l’éclat du Ressurexit du Credo de la Missa Solemnis de Beethoven, nous entendons des Alléluia montant lentement de la nuit comme dans les Vêpres de la Résurrection de Rachmaninov. Non, le monde n’a pas brutalement changé au matin de Pâque, se conformant à nos désirs les plus fous par quelque coup de baguette divine !
Mais avec Nicodème, Marthe et Marie, les apôtres, Marie Madeleine et les autres femmes nous poursuivons notre chemin dans la foi. Le monde n’est pas bouleversé, mais si nous sommes entrés au cœur de nos nuits les plus ténébreuses avec Jésus en sa Passion, une lumière s’est levée en nous. Cette lumière reçue au cours de ces jours saints, signifiée par le cierge pascal allumé dans la nuit de Pâque, allume en nous un feu qui veut se répandre par nous. Le soleil est en train de se lever. Avant le zénith de midi, il faut observer les faibles lueurs de l’aube pour en être les prophètes.
Nous trouvons le monde encore trop obscur ? À nous de lui porter la lumière ! […]
« Mets-toi debout et deviens lumière, car elle arrive, ta lumière ! … Désormais, ce n’est plus le soleil qui sera pour toi la lumière du jour, ce n’est plus la lune avec sa clarté, qui sera pour toi la lumière de la nuit. C’est YHWH qui sera pour toi la lumière de toujours ! » (Is 60,1.19).
Pendant ces jours saints, nous avons aussi compris que sous les apparences de l’échec, l’Amour triomphait de tous ces adversaires, parce qu’un homme, le Christ Jésus, est allé jusqu’à l’extrême du don de soi ! Laissons les apparences, ne cherchons pas à tout prix le succès dans nos entreprises, ni la reconnaissance dans toutes nos démarches. Mais porteurs de la lumière qui s’est levé en cœurs, partons vers nos frères en humanité, dans la tenue de service, à cause de Jésus et comme témoins du Ressuscité. « Car le Dieu qui a dit : La lumière brillera au milieu des ténèbres, a lui-même brillé dans nos cœurs pour faire resplendir la connaissance de sa gloire qui rayonne sur le visage du Christ » (2Co 4,6).
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