Veillez donc…
On raconte cette petite histoire à propos de saint Louis de Gonzague : ce dernier étant encore novice, ses camarades pendant une récréation s’amusèrent à se poser mutuellement cette question : « Si nous apprenions tout d’un coup, en ce moment même, que le Jugement dernier aura lieu dans vingt-cinq minutes, il est onze heure dix-sept, l’horloge est là, qu’est-ce que vous feriez ? »
Les uns répondirent qu’ils se confondraient alors en prière, tous courraient se confesser, les uns allaient se réconcilier avec leurs proches, d’autres se recommandaient à leur saint Patron. Louis de Gonzague répondit simplement : « Je continuerai à jouer à la balle au chasseur ».
Les évangiles des derniers dimanches de notre année liturgique tournent justement notre regard vers le retour du Seigneur dans sa gloire, à la fin des temps.
Aujourd’hui les cinq vierges prévoyantes et les cinq insensées sont réveillées brutalement au milieu de la nuit par un cri : « Voici l’époux ! Sortez à sa rencontre. »
Une parabole cruelle pour les vierges insensées qui ne pourront même pas profiter de la provision d’huile des autres, et finiront par se retrouver dehors, derrière la porte fermée.
« Veillez-donc, car vous ne savez ni le jour ni l’heure. »
“Veiller ! “, qu’est-ce à dire ? Faut-il vivre en permanence avec cette pensée de la fin ultime qui paralyse et risque de nous faire voir tout en noir ?
N’est-il pas préférable de jouir jusqu’au bout du moment présent, en fuyant cette conscience de la mort, comme semble le suggérer l’apparente frivolité de Louis de Gonzague ?
Ainsi, beaucoup d’hommes et de femmes aujourd’hui traversent la vie comme des somnambules, remettant toujours au lendemain, ou à des spécialistes, les grandes questions de la vie et de la mort.
La réponse de Louis de Gonzague atteste plutôt qu’il se tenait déjà dans la gravité de la question. Et l’imminence du jugement dernier ne l’a pas paralysé. Elle l’a poussé à agir comme les autres, mais en profondeur et vérité. La balle au chasseur n’était pas qu’une distraction, mais sa tâche d’homme à ce moment-là. Une tâche qu’il vivait déjà intensément, dans l’amour et la remise complète de soi à la Providence. Tant il est vrai que ce n’est pas la grandeur et l’héroïsme de ce qu’on fait qui compte, mais la vérité et l’amour avec lesquels on le fait.
Et si chacun se demandait aujourd’hui ce qu’il ferait si on lui posait la même question ?
P. Luc de Saint Basile
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